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Le profilage, une nouvelle norme sociale

Si vous vivez au Québec, que vous êtes un homme blanc, que vous vous appelez Peter White, ou bien François Leblanc, de descendance écossaise, irlandaise ou normande, et que vous êtes âgé de plus de 60 ans, hétérosexuel, marié et père de famille avec des enfants et peut-être des petits-enfants, alors les chances que vous soyez invité à vous présenter à une investiture du parti ‘Québec Solidaire’, lors des prochaines élections sont limitées. 1

Québec solidaire n’est d’ailleurs pas le seul parti politique à pratiquer le profilage. Vous pourriez être tassé même si vous adhérez parfaitement à la philosophie d’un parti politique et même si vous êtes reconnu être d’une compétence exceptionnelle.

Vos chances seront aussi diminuées, bien que non nulles, d’être invité à postuler sur un poste décisionnel dans un gouvernement quelconque, ou comme professeur dans une grande institution d’enseignement, universitaire ou collégiale, 2 3dans un conseil d’administration, ou qu’on vous choisisse comme acteur dans une publicité de produits ménagers ou de voitures de luxe, ou qu’on vous nomme en charge d’une chaire promouvant l’anti racisme. 4

Le profilage social n’est plus une chose exceptionnelle. Il est presque devenu la norme dans certains milieux et certaines instances. Sur l’estrade de la diversité et de l’équité, il vise à contrebalancer la prédominance historique de certaines catégories d’individus, notamment les hommes blancs, dans l’exercice de certaines fonctions, en imposant des quotas, en limitant l’accès à des postes de prestige, et en promouvant la parité basée sur la représentativité et la diversité.

Est-ce une bonne chose ? Pour de grandes organisations, comme les universités, les gouvernements et les partis politiques, le profilage est aussi perçu comme un puissant outil de relation publique. On embauche des jeunes, des femmes et des personnes issues des minorités visibles à des postes stratégiques pour projeter auprès de la population cette image d’ouverture, de diversité et de progressisme. Mais qu’en est-il vraiment de la lutte à la discrimination sur l’ensemble du personnel de l’organisation ? On semble plutôt privilégier le développement d’image à la bonne marche des organisations et à l’équité, bien qu’il soit vrai que les hommes blancs ne soient pas tous nécessairement compétents pour autant.

Mais, en agissant ainsi, en limitant nos choix, on se retrouve à remettre en question nos propres principes en faisant ce qu’on voulait éviter de faire au départ, soit d’encourager la discrimination, en se privant peut-être des meilleures candidatures. Dans un tel cas, ce sont les performances de nos organisations qui en souffrent.

Bien sûr, l’idée n’est pas de faire l’apologie du patriarcat, ni des hommes blancs qui, de toutes façons, dominent encore de façon indue plusieurs sphères de notre société moderne. Par ailleurs, personne ne peut contester aujourd’hui l’apport et les progrès réalisés par les femmes et les différentes communautés culturelles dans notre société. Tous s’entendent pour dire que les efforts pour le maintien de l’égalité des chances doivent être soutenus.

Un modèle de gouvernance en évolution

On pourrait mettre évidence le fait que le modèle de gouvernance est évolutif, qu’il a évolué d’une situation où l’on prend le pouvoir vers celui où on partage le pouvoir. Mes explications sont les suivantes :

Historiquement, ceux qui ont détenu le pouvoir se sont battu pour l’obtenir, de sorte que l’acharnement manifeste pour son obtention aurait en quelque sorte été garant du leadership et de la stabilité. Selon ce modèle, le pouvoir s’acquiert par la lutte, par une opposition, par la compétition. Ainsi, le pouvoir se gagne : personne ne le donne à personne.

L’histoire de nos civilisations en est cousue d’exemples, de périodes de guerres et de révolutions qui démontrent jusqu’à quel point les victoires furent obtenues par le feu et le sang pour en arriver à l’institutionnalisation de nos démocraties. Parce que ce sont des hommes qui ont fait la guerre afin d’ériger de nouvelles constitutions, ce sont eux qui, historiquement, détiennent le pouvoir. Ainsi, Napoléon se souciait-il vraiment de la représentativité des femmes ou des communautés culturelles lors de la mise en place de la première république ?

Par contre, le modèle où le pouvoir se partage est celui d’une société plus civilisée, plus éduquée et plus évoluée. Étant soucieux d’une représentativité et d’une diversité d’opinions, d’origines et de statuts, il devient impossible de restreindre le pouvoir aux aléas de la force, il en va de la sauvegarde de notre démocratie. Il vient un point alors où il devient nécessaire d’obtenir des éléments plus représentatifs et probablement plus productifs de notre société qui gouverneront avec meilleur ordre, notamment des femmes.

Mais, le profilage est-il efficace à cette fin ? On peut certainement en douter. Lorsqu’on observe les sphères de notre société où les femmes et les membres de communautés culturelle sont bien représentés, notamment dans les domaines des sciences de la santé, de la médecine, de l’éducation, du droit et de la recherche universitaire, l’imposition des quotas ou les programmes de discrimination positive n’ont jamais fonctionné. Le profilage n’apporte strictement rien de bon pour notre société, si ce n’est que de reproduire à l’inverse un modèle de discrimination qui a déjà existé dans le passé.

Les facteurs qui ont contribué aux succès des personnes minoritaires ou défavorisées étaient plutôt reliés à l’accessibilité à l’éducation, l’évolution des mentalités, le développement de programmes gouvernementaux comme les réseaux de garderies, le support aux associations et autres programmes de sensibilisation. Continuons donc dans cette voie et bannissons le modèle qu’est le profilage qui devrait être illégal parce que discriminatoire.

Louis Bellemare

  1. Québec Solidaire exclura les hommes en cas d’élections partielles, Le Journal de Québec ↩︎
  2. Harvard, le mauvais exemple vient du sommet, Le journal de Québec ↩︎
  3. Des étudiants dénoncent l’exclusion des hommes blancs d’appels à candidatures, Le Devoir ↩︎
  4. L’antiracisme au Québec, Le Devoir, Gérard Bouchard* ↩︎
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4 Comments

  1. Tout à fait d’accord. Une plainte ou un recours collectif doit être envisagé autant par les citoyens que la classe politique québécoise contre Québec solidaire. Car selon la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, «le profilage social désigne toute action entreprise par une ou des personnes en situation d’autorité à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes qui a pour effet d’exposer la personne à un examen ou un traitement différent (CDPDJ, 2009) .

  2. Jean-Claude Cloutier Jean-Claude Cloutier

    Louis,

    Bravo pour le courage de t’attaquer à un sujet épineux. Bravo aussi pour la qualité du texte. J’ajoute quelques commentaires.

    • Comme le note le billet, le profilage peut entrainer une perte de la qualité de recrutement s’il amène à choisir des candidatures moins qualifiées et moins compétentes. Cette perte est vraisemblablement négligeable quand le groupe avantagé est très nombreux. C’est le cas par exemple des femmes qui représentent 51 % de l’humanité. Dans ce cas, la loi des grands nombres joue et il est presque certain que des candidates aussi valables sinon davantage que les candidats pourront se qualifier. Par contre, la perte (ou le coût économique) risque d’être important quand les groupes avantagés sont très minoritaires dans la population. Le recrutement se fait à partir d’une cohorte trop peu nombreuse et les candidatures exceptionnelles ne peuvent être … qu’exceptionnelles.
    • Le profilage n’est pas une invention nouvelle et il n’est pas mauvais en soi. C’est le pain quotidien des actuaires et des experts de la santé publique et personne ne s’en offusque, même si leurs conclusions désavantagent les vieux, les obèses et les fumeurs. La chose est différente pour les corps policiers. Dans ce cas, on s’indigne qu’ils fassent davantage de contrôles dans les communautés et auprès des groupes les plus présents dans les accidents et la criminalité.
    • Il y a le profilage qui sert à promouvoir l’inclusion des groupes défavorisés et celui qui, au contraire, sert à marginaliser ces groupes. Dans le premier cas, on parle de discrimination positive, dans le deuxième de racisme systémique, de ségrégation ou de discrimination tout court. Dans tous les cas, cela pose un problème pour l’universalisme républicain et la démocratie. Pourquoi y a-t-il deux poids, deux mesures selon les caractéristiques personnelles des citoyens?

    Jean-Claude

    • Merci. Ton commentaire apporte beaucoup de précisions et de nuances. Mais je crois que le profilage sous toutes ses formes devrait être interdit. Je crois que ce que fait QS est tout à fait inacceptable. En agissant ainsi, ils veulent montrer l’image du modernisme et du progrès, mais en réalité, c’est tout le contraire.

      Louis

  3. Patrice Caron Patrice Caron

    Nous ( les hommes blancs catholique ) avons partiellement délaissé la galanterie et le fairplay au nom de l’égalité entre homme et femme, nous avons appris à laisser la place aux personnes plus âgées dans l’autobus, on nous a martelé que nous étions privilégiés, nous avons tellement voulu nous donner bonne conscience que nous en sommes maintenant les victimes. Je me suis toujours dit que le meilleur gagne, mais au Québec, ça ne fonctionne plus comme ça. Est-ce une révolution anti establisment? Une évolution normale causée par notre faible démographie?

    Est-ce qu’on se tire collectivement dans le pied? Car le train de cette égalité à multiple vitesses ne s’arrêtera pas aussi facilement. Je crois que cette frénésie d’être le plus collectivement correct s’estompera le jour où un poste sera débattu entre un nouvel arrivant, une femme, un jeune handicapé, un iel et que la décision devra se prendre en fonction de la religion.

    PS; je suis maintenant à la retraite et heureux d’y être. Merci pour ce texte Louis, mais ce sujet, pas trop souvent stp, mon coeur ne le tiendra pas très longtemps 😉

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