A-t-on oublié les philosophes des Lumières ?
L’influence des philosophes des Lumières 18ième siècle a été déterminante dans l’évolution de nos démocraties. Les valeurs essentielles défendues comme la tolérance, la liberté et l’égalité sociale ont été à l’origine des révolutions française et américaine. On y défendait les droits humains et les libertés individuelles. On y défendait le principe que chaque individu devait avoir la capacité et le droit de décider par lui-même de ce qui est bon pour lui, et que cette liberté devait être garantie par l’État. [1]
Parmi quelques figures dominantes, mentionnons notamment Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) qui, dans le document ‘Du contrat social’, soutient qu’une société juste repose sur un pacte social où les hommes et les femmes s’aliènent leurs droits individuels pour acquérir des droits sociaux. Les membres d’une société doivent se gouverner par eux-mêmes, selon lui, selon un contrat conclu entre eux et non sous une instance supérieure, comme une royauté ou une quelconque autocratie.
Robespierre (1758-1794) qui s’inspirait largement des principes de Rousseau fût un acteur incontournable de la révolution française en militant pour le droit de vote, l’égalité des gens et le suffrage universel. [2] Voltaire, (1694-1778), l’écrivain philosophe de Candide, combattait l’intransigeance de la religion, la superstition, le fanatisme, l’intolérance de la société et la corruption des gouvernements non démocratiques. Montesquieu (1689-1755) pour sa part proposait de distinguer le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Cette structure du pouvoir reste encore de nos jours à propos et d’une grande actualité.
Il ne s’agit évidemment que de quelques philosophes qui se sont intéressés au rôle de l’État. On pourrait en nommer bien d’autres tant le mouvement des Lumières s’est répandu à travers le monde. [3]Mais, admettons aussi qu’au cours du temps, des milliers d’hommes et de femmes se sont acharnés à promouvoir la démocratie pour l’égalité, la justice et les droits humains.
La rupture du contrat social
Depuis l’époque des Lumières, les démocraties ont évolué, soit pour le meilleur, soit pour le pire. Or, avec l’évolution de notre société, il existe de nombreux exemples qui démontrent que nos démocraties ne se sont pas adaptées à cette évolution. Certaines tendances semblent mener vers la rupture du contrat social. En voici quelques un.
Des gouvernements de moins en moins représentatifs
Si la démocratie s’élève d’un contrat social, par exemple par un scrutin populaire, force est de constater que les gouvernements souffrent d’un problème de représentativité. Les taux de participation tendent à diminuer avec le temps. Le désintéressement devient alors une source d’exclusion dans un système qui ne peut représenter ceux qui n’ont pas voté, ou ceux qui carrément exclus de notre société. Comment conclure un contrat s’il n’a pas été signé par tout le monde ? De plus en plus lors d’élections, nous retrouvons des taux de participation aussi bas que 50 % du vote.
Ce problème de représentativité s’opère aussi à d’autres niveaux. Les partis politiques tendent à évoluer vers une plus grande diversité d’opinions, alors que nos systèmes électoraux ne sont pas adaptés pour tenir compte de cette nouvelle réalité. Dans certains systèmes électoraux, un parti politique peut prendre le pouvoir avec une simple pluralité des votes sans majorité absolue. À l’inverse, la situation devient préoccupante lorsqu’un parti obtient jusqu’à 15 % du vote sans élire un seul député.
Des médias de plus en plus influents
Les médias d’information dont le rôle principal est d’informer la population ont aussi évolué et sont devenus des acteurs incontournables de nos démocraties. Leur influence sur le vote des électeurs est non négligeable. Certains médias se donnent des lignes éditoriales qui peuvent remettre en question leur objectivité et la qualité de l’information remise au public.
Le développement de l’internet entre autres et des médias sociaux a permis l’expression d’une plus grande diversité d’information. Toutefois, il n’existe à l’heure actuelle aucune balise permettant de vérifier véracité de la l’information. Des groupes d’individus peuvent de leur plein gré développer des campagnes de dénigrement sans aucune impunité, sans aucun frein.
À cela, il faut considérer bien sûr les développements récents et futurs de l’intelligence artificielle qui permet de construire des scénarios totalement fictifs représentant faussement la réalité et qui peuvent nuire au bon déroulement des campagnes électorales.
Manque d’imputabilité des politiciens
Au contrat social se greffent aussi des responsabilités et des engagements des gouvernements élus. Or, dans nos systèmes politiques actuels, les politiciens peuvent bénéficier d’une latitude étendue à faire des promesses qu’ils ne les réaliseront pas.
Que ce soit intentionnel ou non, la complexité de plus en plus grande des enjeux de notre société et la multiplicité des sujets abordés lors d’une élection déroutent les électeurs qui ne reconnaissent pas toujours les conséquences de leurs votes, comme par exemple des augmentations de taxes.
C’est une fois les partis politiques élus que la population prend conscience de décisions ou de politiques qu’elle n’a pas souhaitée.
Quoi faire pour corriger la situation
Évidemment, la première étape serait de faire reconnaître à nos politiciens qu’il y a des problèmes. La politique partisane, qu’on peut définir comme étant celle qui vise avant tout à considérer le bien être des élus avant l’intérêt du peuple, pose un frein au développement de nouveaux mécanismes pour améliorer nos démocraties. Sur cette question, il importe donc d’éliminer la partisanerie politique pour pouvoir discuter des changements à apporter.
Une fois cette reconnaissance obtenue, il sera nécessaire de mobiliser la population et les acteurs de notre société dans le but de débattre de ces problématiques. Il faudra tout au long de ce processus montrer beaucoup de courage comme l’ont démontré les philosophes des Lumières.
Louis Bellemare
[1] Lumières philosophie, Lumières (philosophie) — Wikipédia (wikipedia.org)
[2] Maximilien Robespierre, Maximilien de Robespierre — Wikipédia (wikipedia.org)
[3] Les philosophes des Lumières, Les philosophes des Lumières (notions avancées) | Alloprof
Bien d’actualité ce papier, il y aurait long à dire sur notre démocratie et surtout remettre de l’avant ce que Rousseau en pensait, enfin, belle réflexion à faire. Juste un bémol sur la phrase “Le développement de l’internet entre autres et des médias sociaux a permis l’expression d’une plus grande diversité d’information.” Il faut garder en tête qu’il existe plusieurs sortes d’information, celle de vrais médias d’information ( tel R-C, CNN, BBC ) dont les reporters sont libres de penser, et “l’information” contenue dans les réseaux sociaux qui se veut plutôt du potinage, colportage sans valeur ou encore du commérage destructeur où malheureusement le lecteur se laisse berner, et qui devient addictif chez certain. Il existe aussi les fake news, ceux balancés par les lobbys, etc., je crois qu’un de nos problèmes de société émane de l’internet. Je me demande, au fond, combien ont à coeur une vraie démocratie versus ceux et celles qui gagnent à altérer la pensée des gens avec leurs élucubrations dans le seul but d’acquérir de la popularité et de la puissance.
Cher Louis,
ton analyse est très pertinente.
Le problème qui me semble à la source de tout les autres est celui de la désinformation.
On n’est jamais libre lorsqu’on ne peut enraciner sa réflexion sur des informations
verediques. Lorsque notre jugement est tronqué à la base, il devient impossible de poser les actions légitimant une saine démocratie. Il n’y a plus de contrat social qui tienne. C’est le retour de la barbarie.
Par définition, la démocratie est un système qui appartient au peuple. Les élections sont l’outil qui détermine la manière de gouverner dont une majorité deviendra le gouvernement. Notre système électoral devra être revu afin de donner plus de pouvoir même à ceux qui n’ont pas d’élu. La démocratie c’est aussi des idées qui s’affrontent, des débats publiques sur les valeurs et les règles auxquelles l’on doit se conformer. L’Etat doit être capable de concilier les divergences d’opinions , d’amener l’opposition à adhérer à son plan tout en demeurant ouvert aux propositions des autres. Le principal enjeu , bien se définir comme peuple, véhiculer sa culture par les arts, la philosophie et l’éducation en intégrant les valeurs sociales et politique. Il faut libérer le peuple de l’ignorance pour que la raison règne. La Liberté est si fragile et n’a pas de prix! Merci
Rien n’est plus juste que l’expression “On a le gouvernement qu’on mérite”. La solution passe par l’éducation à la citoyenneté responsable. Avec l’accès à la connaissance universelle que permet l’internet, le système d’éducation devrait être axé sur le développement du jugement critique et des valeurs humanistes. Éduquer tout au long de la vie. Le trumpisme en démontre le besoin.