La tar Bomba
Le 30 octobre 1961, le bombardier russe Tupolev Tu-95 larguait la tsar bomba à 13 kilomètres d’altitude au-dessus de l’Artique. [1] Il s’agissait de la bombe la plus dévastatrice jamais fabriquée. D’une puissance estimée à 57 mégatonnes (1 million) de TNT, elle se comparait sans aucune mesure aux bombes A Little Boy et Fat Man de puissances respectives de 15 000 tonnes de TNT et de 21 000 tonnes de TNT et qui ont complètement anéanti Hiroshima et Nagasaki en 1945[2]. L’énergie destructrice de la Tsar Bomba était équivalente à quatre mille bombes atomiques du type de celle lancée sur Hiroshima.[3]
On rapporte que son explosion fût si puissante que l’éclair de l’explosion fut visible à plus de 1 000 km du point d’impact, que des maisons furent détruites à des centaines de kilomètres, que la chaleur fut ressentie à 300 km, que des brûlures au troisième degré pouvaient être infligées à plus de 100 km de distance et que la zone de destruction complète se situait dans un rayon de 30 km.[4] L’onde de choc produite aurait fait trois fois le tour du globe terrestre. [5]
Tsar Bomba n’était pas la première bombe à hydrogène ou à fusion nucléaire testée. Les américains avaient déjà commencé le bal dans la sphère des bombes à fusion en larguant Ivy Mike au-dessus de l’océan pacifique en 1952, d’une puissance de 10,4 mégatonnes et par la suite Castle Bravo d’une puissance de 15 mégatonnes en 1954.
Tsar Bomba était en fait la réponse de l’Union soviétique aux américains dans une course effrénée à l’armement nucléaire. Nous étions alors au début de la guerre froide.
Les paradoxes de Sakharov
Sur le plan scientifique, les bombes H, dites aussi bombe à fusion ou thermonucléaires démontraient qu’il est possible de réaliser de la fusion nucléaire sur la planète terre, à l’instar de ce qui se fait dans les étoiles. La fusion est une réaction nucléaire dans laquelle deux noyaux atomiques s’assemblent pour former un noyau plus lourd. Le procédé dégage une quantité d’énergie colossale avec très peu de matière constituée d’isotopes d’hydrogène, et sans pollution. La fission nucléaire, par contre, utilisée dans des bombes A, libère de l’énergie en brisant des atomes lourds comme le plutonium. Elle émet de la radioactivité, est donc très polluante et libère beaucoup moins d’énergie.
Andreï Sakharov, l’un des plus grands physiciens du 20ième siècle, fût l’inventeur de la bombe H soviétique et de la Tsar Bomba. Un paradoxe tient du fait qu’on lui attribua le prix Nobel de la paix en 1975 pour sa lutte pour les droits de l’homme, pour le désarmement et la coopération entre toutes les nations, malgré qu’il fût l’inventeur de la bombe H.
La portée destructive de sa bombe a amené les grandes puissances à réaliser qu’on pouvait anéantir la planète avec très peu de matière. Sakharov, par son invention, aurait été aussi l’instigateur du désarmement et à l’établissement d’un équilibre géopolitique entre les grandes puissances mondiales. Il s’inquiétait des conséquences de ses travaux sur l’avenir de l’humanité et est en partie responsable du traité de non-prolifération des armes nucléaires en 1968.[6]
La fusion contrôlée
Il y a aussi un autre paradoxe concernant Sakharov. Il fût l’inventeur du premier réacteur à fusion permettant des procédés de fusion contrôlée, le TOKAMAK. Cet appareil qui n’est pas encore au point aujourd’hui promet de produire une source inépuisable d’énergie sans pollution, une énergie avec très peu de matière combustible. Sa mise au point permettrait de trouver une solution universelle aux problèmes énergétiques, notamment de stopper la consommation d’énergie fossile, de stopper le réchauffement de la planète et ainsi de sauver notre planète terre.
Les TOKAMAKS, sont en fait de véritables soleils artificiels. Le principe est de maintenir un plasma d’hydrogène au moyen d’énormes bobines magnétiques à des températures allant même au-dessus de la température du soleil. La chaleur générée serait suffisante pour amener la fusion nucléaire et reproduire une quantité d’énergie presqu’illimitée.
Toutefois, après plus de 50 ans, nous en sommes encore aux stades expérimentaux. La mise au point de ces appareils s’avère être extrêmement difficile, le but étant de produire une plus grande quantité d’énergie que ce que l’on y injecte, soit l’atteinte du point d’ignition.[7]
L’état des lieux
Depuis quelques années quelques avancées importantes ont été réalisées. Plusieurs réacteurs nucléaires ont été construits ou sont en construction à travers le monde. L’un des projets les plus connus, l’ITER (Réacteur thermonucléaire expérimental international) est en construction à Aix-en-Provence et son ouverture est prévue pour 2025. On s’attend à ce qu’il fournisse 10 fois plus d’énergie que ce qui lui est fournie pendant 300 secondes. La plus grande difficulté est d’opérer le réacteur en continue. [8] L’ITER est le plus grand réacteur nucléaire du monde et est le fruit de 35 pays. Des efforts similaires sont en cours aux États-Unis, en Europe, en Russie et en Corée du Sud.[9]
La Chine, qui semble vouloir prendre une certaine avance mondiale dans le domaine du nucléaire aurait investi mille milliards $ de dollars pour la construction d’un réacteur similaire. On annonçait dernièrement qu’elle aurait atteint un nouveau record de température de 70 millions de degrés Celsius pendant plus de 17 minutes, soit 5 fois la température du soleil. [10] On s’attend à ce que ce réacteur produise de l’électricité d’ici les 10 prochaines années.
Bien que ce soit très lent, il semble que nous sommes sur la bonne voie. L’histoire nous dira qu’au moins la bombe H a servi à quelque chose.
Louis Bellemare
[1] Tsar Bomba Tsar Bomba — Wikipédia (wikipedia.org)
[2] Note : Pour donner une idée, un méga est équivalent à 1 millions de tonnes et une tonne valant 1 000 kilogrammes.
[3] Wikipedia, Tsar Bomba Tsar Bomba — Wikipédia (wikipedia.org)
[4] http://www.nuclearweaponarchive.org/Russia/TsarBomba.html
[5] Andreï Sakharov, Wikipedia Andreï Sakharov — Wikipédia (wikipedia.org)ANDREÏ DIMITRIEVITCH SAKHAROV (1921-1989) – Encyclopædia Universalis
[7] Ignition confirmed in a nuclear fusion experiment for the first time
Nuclear fusion: Ignition confirmed in an experiment for the first time | New Scientist
[8] L’espoir de la fusion nucléaire L’espoir de la fusion nucléaire | La Presse
[10] La Chine bat un record de température avec son « soleil artificiel »
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