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RÉFLEXION SUR L’ACCEPTABILITÉ SOCIALE DES PROJETS ÉNERGIE EST GNL QUÉBEC

Au Québec, les grands projets d’investissements doivent passer par l’étape de l’acceptabilité sociale pour être réalisés. Plusieurs instances gouvernementales ont le rôle d’évaluer des projets de grande envergure. Qui s’intéresse à cette question y trouvera une abondante littérature, notamment en ce qui concerne les différentes approches et méthodes.[1]

Lorsqu’il fût proposé d’effectuer les projets Énergie Est [2]et GNL Québec [3], le premier ministre du Québec, François Legault, avait affirmé que ces projets ne pouvaient se réaliser au Québec parce qu’il n’y a pas d’acceptabilité sociale. Toutefois par une telle affirmation, il ne semblait pas avoir considéré les bénéfices que ces projets apporteraient tant sur le plan canadien que pour le Québec.

Le protectionnisme américain et les droits de douanes imposés sur l’énergie nous obligent maintenant à les reconsidérer solidairement en raison de l’intérêt national et l’indépendance énergétique canadienne. Le ministre de l’environnement du Québec, monsieur Benoît Charette, a même indiqué aux médias que Québec pourrait reconsidérer ces projets à la lumière des recommandations que le BAPE avait faites à l’époque.

Un concept encore flou

Or, il y a consensus dans la littérature économique sur le fait que le concept d’acceptabilité sociale est flou et qu’il n’en existe aucune définition officielle dans aucune loi. Peu d’intervenants, que ce soit les gouvernements, les entreprises, les associations ou les citoyens, s’entendent sur une définition claire, commune et balisée.[4] Pour cette raison, à l’époque où ils furent proposés, le rejet de ces projets énergétiques relevait aussi de l’arbitraire.

En raison de ce flou, il est souvent impossible de concilier les intérêts des gouvernements, des promoteurs et ceux des différents groupes d’intérêt ou de citoyens. Fondamentalement, les divergences s’inscrivent autour du droit des promoteurs de réaliser ou non un projet sous différents degrés d’approbation, et du droit des citoyens de le refuser ou de l’accepter à des conditions spécifiques.

Pour certains[5], l’imprécision incite à l’utilisation de concepts différents et suscite l’arbitraire en faisant entorse au principe de la primauté du droit et en minant la confiance des entreprises envers les institutions qui encadrent la réalisation des projets d’infrastructures[6]. La notion est parfois limitée et réduite au profit d’un certain populisme et, de façon générale, du politique. Par exemple, le milieu des affaires dénonce le manque de considération des dimensions économiques au profit de la visibilité médiatique des quelques groupes défendant différentes causes, ce qui influence grandement les politiciens.

L’intérêt supérieur de la nation

Conséquemment, on oublie de faire valoir en contrepartie la notion non moins importante d’ « intérêt supérieur de la nation».

La notion est ancienne puisqu’elle remonte aux philosophes grecs (Platon, Aristote). Elle a fait l’objet de discussions politiques en France à l’époque de Charles de Gaulle, et aux États-Unis, à celle de John F. Kennedy. Elle est aussi utilisée par le Canada depuis quelques décennies pour l’examen d’investissements directs étrangers.

Pourtant, elle est ignorée au Québec pour toutes sortes de raisons.  La nation n’est pas un agrégat d’individus où le tout se résume à la somme des parties. L’État doit assumer des responsabilités à un niveau supérieur qui est plus large que celle des individus qui composent la nation. Il doit viser à défendre le bien commun, ce qui justifie son intervention.

Dans le cas des projets d’infrastructures comme Énergie Est et GNL Québec, l’intérêt supérieur a été mis au second plan, et on en paie maintenant le prix fort.

Il peut être difficile d’évaluer la supériorité des avantages nationaux d’un projet vis-à-vis les inconvénients subis par les intervenants locaux parce qu’on ne peut pas prévoir l’avenir. Chose certaine, l’extraction du pétrole ou du Gaz naturel en Alberta demeurera polluante que ce soit pour les bénéfices de qui que ce soit, autant américains que canadiens ou européens. En fait, le refus du Québec d’accepter ces projets démontrait la primauté des intérêts locaux sur celui de la nation, ce qui en soit n’a eu pour effet que d’accroître notre dépendance vis-à-vis l’économie américaine.

Notons que les projets qui ont une portée nationale sont souvent mal reçus par la population parce qu’on n’en perçoit que des inconvénients sur le plan local et qu’on oublie les avantages au plan national. Le  syndrome du « pas dans ma cour » l’emporte au détriment d’un bénéfice net plus global. Le débat sur l’acceptabilité sociale reste alors toujours biaisé et tend à favoriser l’opposition des groupes locaux.

Ceci a souvent été le cas dans le secteur énergétique pour des projets d’exploitation ou de transport.

Louis Bellemare


[1] CPEQ, Conseil patronal de l’environnement du Québec, Les facteurs de l’acceptabilité sociale,

[2] Oléoduc Énergie Est — Wikipédia

[3] GNL Québec : Charette « ouvert » à un projet « bonifié » | Radio-Canada

[4] Pierre Batelier, Acceptabilité sociale, Cartographie d’une notion et de ses usages, Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté, UQAM, 2015

[5] Youri Chassin, les dérives de l’acceptabilité sociale, Institut Économique de Montréal,

[6] Association pétrolière et gazière du Québec, mémoire présenté aux consultations particulières et auditions publiques de la CAPERN dans le dans le cadre de l’étude du Livre vert intitulé

7-«Orientations du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles en matière d’acceptabilité sociale », mars 2016.

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3 Comments

  1. Jean Hémond Jean Hémond

    Pas contre les pipelines et le commerce ; cependant ! La géoéconomique qui sous-tend ( motivait en premier lieu ) l’existence même du Canada, la confédération et aussi le financement de tout son développement pour le bénéfice des exportateurs ( Britanniques d’abord et maintenant des paradis fiscaux) demeure ici basée, fondée et ancrée sur le contrôle du corridor commercial Saint-Laurent. Le rail fut la première extension du maritime, puis les routes, les câbles de tous acabits et les pipelines. Ottawa s’est d’abord arrogé puis a bradé ce contrôle aux transitaires pour la plupart des américains. Reprendre ici le contrôle des infrastructures québecoises payées par les québecois s’impose pour les sécuriser sur tous les plans (environnement y compris), les tarifer correctement. Pour moi la situation de laisser aller extrêmement laxiste et biaisée dans toutes les infrastructures de transport explique que le Québec a été surexploité au bénéfice des autres provinces et des très grands intérêts financiers, cela en véritablement les subventionnant directement et indirectement. Oui à un pipeline, écologique et respectueux, mais payez en tous les justes droits de passage. Peut-être faudrait-il immédiatement mettre les avocats des Premières Nations sur le dossier et suivre leurs traces. Oubliez surtout nos bureaux de consultants bourrés d’ex-politiciens et mandarins retraités devenus fiscalistes déjà survendus.

  2. Robert Bourassa a invoqué assez souvent l’intérêt supérieur de la nation dans les cas où il devait arbitrer des conflits, notamment en matière syndicale. Dans son cas, c’était nettement de la nation québécoise qu’il s’agissait. Pour le transport des hydrocarbures, les Québécois n’y voyaient pas tellement leur intérêt supérieur et je ne suis pas sûr que cela ait changé depuis. On le verra bientôt car la CAQ semble vouloir relancer le dossier. Le cas échéant, je crois que les Québécois continueront de penser que les nuisances environnementales de ces projets vont à l’encontre de leur intérêt supérieur et de celui de la planète.

    • A mon avis, Québec n’aura pas le choix, au risque de se faire couper la pérèquation. Intérêt supèrieur de la nation.

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