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Projet de tramway de Québec : Le gouvernement du Québec doit s’expliquer

Il existe encore beaucoup d’incertitude et il manque beaucoup d’information concernant le projet de tramway à Québec. Ses coûts ne sont pas encore connus et doivent être réévalués à la lumière de la seule soumission obtenue lors des appels d’offre pour choisir le fabricant du tramway. Par ailleurs, le maire de Québec propose d’imposer une taxe de proximité pour assumer une partie de son financement, ce qui pourrait avoir des conséquences importantes sur le compte de taxes de plusieurs citoyens.

Malgré tout, les gouvernements pourraient aller de l’avant même si un pourcentage important de la population ne veut pas de ce projet. En effet, selon un sondage récent (janvier 2023) réalisé par SOM-Le Soleil, le projet ne récoltait que 44 % d’appuis contre 49 % qui étaient en défaveur.[1]

Les recommandations du BAPE

Pourtant, en 2020, le rapport du Bureau d’Audience Publique sur l’Environnement (BAPE) ne recommandait pas la réalisation dans sa forme présentée. Il jugeait « peu convaincante » l’étude commandée par la Ville de Québec pour déterminer le choix du tramway comme moyen de transport principal du réseau. Il considérait par ailleurs que le projet ne répondait pas aux besoins de mobilité durable de la Communauté métropolitaine de Québec. Il se disait aussi préoccupé par l’ampleur des montants engagés et les répercussions du projet sur le milieu.[2] 

Depuis ce temps, il ne semble pas y avoir eu de modification substantielle au projet dans le but de répondre aux préoccupations du BAPE. Jusqu’à présent, le gouvernement du Québec, qui est partie prenante au financement, n’a jamais donné d’explication sur ses raisons de ne pas donner suite à ces recommandations ou d’imposer comme condition son acceptabilité sociale. En effet, le décret 655-2022 du 6 avril 2022 du gouvernement du Québec donne son aval  sans imposer une telle condition.

L’acceptabilité sociale au cœur du débat

Par ailleurs, dans sa décision concernant la requête du groupe de citoyens (Québec mérite mieux. QMM) visant la suspension des travaux, le juge Clément Samson indique que les tribunaux n’ont aucun pouvoir pour intervenir en regard du manquement à des engagements électoraux, que le Conseil des ministres possède la discrétion politique pour adopter une telle décision et qu’aucune loi n’impose de référendum. Aucune loi ou règlement n’exigerait qu’il y ait une AS d’un projet.

Pourtant, les citoyens avaient raison de contester le projet. L’expression ‘acceptation sociale’ n’apparait pas explicitement dans les textes de loi, bien qu’il existe implicitement une obligation d’obtenir l’appui des citoyens d’un projet en considérant les points suivants :

  1. La Loi sur le développement durable (chapitre D-8.1.1) indique que la participation et l’engagement des citoyens et des groupes qui les représentent sont nécessaires pour définir une vision concertée du développement et assurer sa durabilité sur les plans environnemental, social et économique. Or, mis à part le maire lui-même, peu de citoyens se sont mobilisés pour défendre ce projet. D’autant que les sondages indiquent qu’une majorité de citoyens sont contre[3].
  • Il existe une jurisprudence concernant l’AS (ex. Strateco)[4]. Le juge Denis Jacques de la Cour supérieur du Québec a déjà défendu la décision du gouvernement dans son refus d’accorder un certificat d’autorisation environnemental faute de l’AS :  Bien que le terme “acceptabilité sociale” n’apparaît pas expressément dans la loi, l’examen de l’article 152 de la Loi sur la Qualité de l’Environnement (c. Q-2) laisse clairement voir l’importance pour le ministre de considérer un tel facteur. Le concept d’AS engloberait les principes prévus à la Loi. » (Cour supérieure du Québec 2017, 93) Le juge signale aussi que plusieurs projets ont déjà été rejetés en raison d’une absence d’AS.
  • Plusieurs recommandations du BAPE (parc éolien, gaz de schiste, projets miniers, contournement de la voie ferrée du Lac Mégantic) s’appuient sur la nécessité d’appliquer des principes de l’AS.

Si les gouvernements vont de l’avant sans le consentement de la population

Si les gouvernements décidaient d’aller de l’avant dans ce projet, les conséquences pourraient être importantes :

  • Les coûts ne sont pas encore connus. Mais , les montants qui seront engagés pourraient être même du double de ce qui a été initialement prévu, et conséquemment amener des hausses importantes des comptes de taxe.
  • Si le projet ne répond pas aux besoins mobilité durable de la communauté comme le prétend le rapport du BAPE (soit par manque d’efficacité, par des défauts ou les niveaux de services), les citoyens auront à vivre pendant longtemps avec plusieurs inconvénients et devront continuer d’investir dans le but d’assurer les services qui sont nécessaires;
  • Le projet ne sera pas sans impact sur le milieu (ex. expropriations, réaménagements routiers, abattage des arbres et autres modifications du milieu de vie, nuisance pendant la période de construction, etc.)

Pour ces raisons, il serait préférable d’amorcer une démarche de consultation ou un référendum comme l’a demandé le groupe Québec mérite mieux lorsque seront mieux connus les informations manquantes, notamment les coûts du projet et ses modes de financement, sa portée ainsi que ses impacts sur les milieux de vie. La décision du juge Samson ne l’interdit pas.

Par ailleurs, le gouvernement du Québec devrait s’expliquer sur sa décision de ne pas appuyer les recommandations du BAPE.

Louis Bellemare


[1] L’appui au tramway encore minoritaire, SONDAGE | L’appui au tramway encore minoritaire | La Capitale | Actualités | Le Soleil – Québec

[2]Le BAPE ne recommande pas le projet de tramway de Québec Le BAPE ne recommande pas le projet de tramway de Québec | Radio-Canada.ca

[3] L’appui au tramway encore minoritaireSONDAGE |

[4] Décision de la cour d’appel 09-9554-178-13janv20.pdf (cngov.ca)

Published inÉconomie québécoisefrançaisMunicipalPolitique québécoise

7 Comments

  1. Jean-Claude Cyr Jean-Claude Cyr

    Très bon article qui résume la situation actuelle des citoyens de Québec. Le projet n’a pas l’ Acceptabilité Sociale (AS) d’une majorité de citoyens mais il va de l’avant quand même. La Ville de Québec vient de s’entendre avec l’unique fournisseur Alstom ayant répondu à son appel d’offre mais on ne connait pas le prix de cette entente de fournitures des voitures du tramway et de leur entretien annuel. Est-ce dans l’enveloppe budgétaire prévue ou pas?
    J’ai apprécié les références légales de cet article concernant l’AS et oui le gouvernement du Québec devrait montrer qu’il se soucie un peu de l’avis des citoyens de la Capitale.
    On peut se demander au service de qui sera ce tramway puisqu’une majorité de gens n’en veulent pas. La question se pose également pour les élus à la Ville de Québec.

  2. Richard Royer Richard Royer

    Je trouve que tu as écrit un bon article.

    Par ailleurs, je considère qu’un des problèmes du projet actuel du tramway de Québec et de son acceptabilité sociale (AS), c’est qu’il y a une distanciation entre le financement, qui provient à 90 % des gouvernements du Québec et du Fédéral, et les principaux utilisateurs et bénéficiaires du tramway, que devrait être la population de la ville de Québec. Comme le dit lui-même le maire Bruno Marchand, si la population rejette le projet bien qu’elle ne contribue que 10 % de la facture, «l’argent ira ailleurs».

    Une telle attitude favorise les projets les plus coûteux plutôt que ceux qui répondent le mieux aux besoins réels de la population.

    À mes yeux, il est évident que si la ville de Québec devait payer une proportion plus importante du projet, disons le tiers ou la moitié, il n’aurait jamais été accepté.

    • Tes commentaires sont justes. Mais le projet devrait être évalué pour sa pertinence et les besoins de la population
      et non en fonction de qui paye la facture.

      merci

      Louis

  3. Annie Marceau Annie Marceau

    Ce projet n’a aucun sens! Il faut les autobus gratuits d’abord et ensuite le métro et le troisième lien . Là tramway n’a aucune utilité ! Il faut permettre aux travailleurs de terrain de circuler avec leurs horaires et leurs outils . Il faut aider les populations des banlieux à venir en ville en autobus gratuits allant partout pour qu’ils aillent travailler . Il faut économiser les 10 milliards et les redonner à la population de la manière qui lui est le plus utile maintenant et dans les 10 prochaines années . Le tramway ne sert à rien ni personne c’est un énorme manque de jugement cette idée ! Pour sauver la planète il faut des bus électriques gratuits partout et un jour un métro au centre ville . Pour décourager l’usage de l’auto il faut qu’il y ait un avantage au transport en commun pas un dépassé tramway lent , cher et de seulement quelques kms… Et en plus il y a l’énorme congestion , les travaux ,les arbres coupés , le bruit , les bris en hiver , les fils bref personne n’en veut du tramway depuis le début c’est d’une évidence déconcertante !

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