Il y a déjà quelques années, à l’école Saint-Joseph dans le quartier Saint-Sacrement à Québec, des enfants de la première du primaire s’affairaient à préparer leur spectacle de la venue du printemps. Les 25 élèves cantonnaient joyeusement et de vive voix la chanson «Bonjour, Monsieur printemps». [1] Je ne sais trop pourquoi, mais j’ai toujours cru que le titre réel de cette comptine était « Monsieur Printemps, dans son habit vert pomme » ce qui me semble plus représentatif. Les premières paroles se déclinent ainsi :
Ce matin un petit bonhomme
Visage frais comme un bonbon
Portant un bel habit vert pomme
Est arrivé dans le vallon
C’est pour le saluer peut-être
Qu’aussitôt monsieur le Soleil
Avec tous ses rayons vermeils
A mis le nez à la fenêtre
Alors par les prés et les bois
Tous les petits enfants
Chantèrent à la fois…
Je me rappelle qu’étant le plus petit de ma classe, on me plaçait tout devant le chœur. Et, comme je chantais faux, mère Cécile m’avait demandé de faire semblant, c’est-à-dire de faire le poisson. Elle aussi, tout en conduisant le groupe mimait les mots, l’idée étant de nous rappeler les paroles de cette chanson un peu compliquée et un peu longue pour des enfants de première.
Pourquoi cette comptine ? Parce que dès les premiers mois de l’année, nous avons toujours hâte d’en finir avec l’hiver. Mais, je crois aussi que c’était pour récompenser ceux qui avaient travaillé dur pendant tout l’hiver. Nous, les élèves de la première du primaire de l’école Saint-Joseph du quartier Saint-Sacrement à Québec, avions pratiqué « Monsieur printemps dans son habit vert pomme » tout l’hiver. Étant tout jeune, j’apprenais qu’année après année, nous revivons un temps nouveau. Un temps où après des noires nuits d’hiver, la nature se revêt de ses plus beaux habits pour s’ouvrir vers des jours nouveaux de soleil.
Mais quand débute donc le printemps ?
Cette comptine est l’un de mes plus beaux souvenirs de mon enfance parce qu’elle exprimait en moi cet étonnement de voir la nature se transformer et la perspective des plaisirs de l’été. Ceci m’amène à me poser une autre question. Quand exactement arrive le printemps ? On dirait que personne de le sait.
De quel printemps parle-t-on exactement ? Celui des jeunes filles en fleur, celui des terrasses qui nous réchauffent au soleil, des amandiers de Van Gogh, de la Pâques et ses retrouvailles en famille, des premières coulées d’eau d’érable, des sorties printanières en voiture, des lilas de Marcel de Dubé. C’est bien de ce printemps-là dont on parle. Ces images imaginaires sont toutes très belles, mais ne déterminent pas pour autant le début. Tout ceci reste encore un peu flou.
À ma connaissance, le calcul des dates des saisons revient à plusieurs civilisations anciennes. Par exemple, les calculs astrologiques des druides [2]prévoyaient quatre éphémérides aux alentours du 20ième jour des mois de décembre, mars, juin et septembre, divisant l’année en quatre saisons selon les évènements suivants : les solstices d’été et d’hiver où la journée de clarté est soit la plus longue ou soit la plus courte de toute l’année, les équinoxes de l’automne et du printemps, qui correspondent aux journées où la durée d’ensoleillement est égale à la durée de la nuit.
Remarquons que plusieurs de ces dates issues de calculs imprécis furent par la suite appropriées par des fêtes chrétiennes, notamment la fête de Noël, le 25 décembre, et la Saint-Patrick, 17 mars. Cette dernière ayant depuis longtemps été réservée aux Irlandais, nous ne pouvons plus la retenir pour le début du printemps.
Je propose que le changement d’heure annonce le début du printemps
Étant donné le flou qui entoure l’arrivée du printemps, je propose que ce soit le changement d’heure qui annonce son début. Chaque année, nous attendons impatiemment le changement d’heure pour profiter d’un plus grand nombre d’heures de lumière pendant l’été, une grande victoire sur nos hivers longs et difficiles, malgré que plusieurs personnes voudraient abolir l’évènement.
Le changement d’heure est à ma connaissance le seul évènement social qui ne génère aucune retombée économique, ni positive, ni négative. En fait, il est totalement inutile. Mais, à mon avis, ce n’est pas une raison pour l’abolir.
Si les retombées n’existent pas, nous pourrions les créer en fêtant la venue du printemps. Nous pourrions ainsi rendre hommage à tous ceux qui ont travaillé dur tout l’hiver comme les élèves de la classe de première du primaire de la petite école Saint-Joseph à Saint-Sacrement de Québec. Il y a de cela bien des années.
La pétition
C’est ainsi qu’au Canada, au printemps 2024, une pétition de 75 000 noms a été déposée appelant le gouvernement fédéral à arrêter définitivement l’heure d’été.
Selon madame Irene Shone, résidente de Brampton et instigatrice de la pétition,[3] l’avancement à l’heure d’été n’est pas naturel et est nuisible pour la santé. Ses propos sont appuyés par la Société canadienne du sommeil (SCS), une organisation nationale qui promeut un sommeil sain par le biais de la recherche et de professionnels de la santé. L’heure d’été induirait-une privation de sommeil à son commencement au printemps et imposerait une obscurité plus tardive pendant l’été, favorisant un coucher tardif, un décalage social et une perte de sommeil plus importante.
Et puis, voilà. Bla bla bla bla et alouette !
La SCS ne nous indique pas si nous serions plus heureux ou non ? Oublie-t-on de considérer que les périodes le plus sombres de l’hiver où les journées sont les plus courtes amènent le plus de dépressions saisonnières ? Oublie-t-on de considérer aussi que les saisons des pays nordiques sont très différentes de celles des pays du sud ? Nous avons besoin de souligner un évènement qui nous fait voir la lumière au bout du tunnel.
Il semble un peu étrange de voir couramment de telles associations ou regroupements d’individus dénoncer le plaisir sous toutes ses formes comme le bon vin, la bonne bouffe et la chaleur de la lumière du jour, sous prétexte qu’ils soient nuisibles pour notre santé. Le réveillon de Noël ne nous prive-t-il pas de nombreuses heures de sommeil pour plus de plaisir et de bonheur.
Beaudelaire, lui-même, nous prescrit de demander au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, de demander quelle heure il est. (Au printemps, il sera) l’heure de s’enivrer, dit-il, de vin, sans cesse de poésie, de vertu, à notre guise.[4] N’est-ce pas là le véritable hymne au printemps ? Fêtons donc la venue du printemps.
Voilà pourquoi je n’ai pas voulu signer la pétition.
Louis Bellemare
[1] Bonjour monsieur Printemps
[2] National Geographic, Solstice d’hiver : les traditions qui marquent ce phénomène astronomique
[3] Noovo Info, 75 000 canadiens signent une pétition pour mettre fin aux changements d’heure
Merci pour ce beau texte qui nous rend quelque peu nostalgiques de nos premières années d’école.
Je note que le texte fait référence au changement d’heure printanier. Qui n’est pas heureux du changement positif apporté, oui positif, car nous avançons l’heure ( nous perdons une heure de sommeil, mais le temp sera plus agréable). Mais pour obtenir celui-ci, nous devons obligatoirement passer par le changement d’heure à l’automne, et ce dernier, négatif, est un peu moins romantique.
Je me souviens du temps ou changer l’heure nous rendait presque fébriles du beau temps à l’horizon, ou simplement déprimés à savoir que bientôt, nous revenions à la maison à la noirceur et au froid.
Comme tout le monde, je vécus les changements d’heure bi annuel, et ce jusqu’à l’âge d’environ 30 ans. À partir de ce moment, je naviguais et de ce fait, les changements d’heure faisaient partie de la vie à bord. Comme tout ce qui se passe sur un navire, tout dépendait du capitaine, celui-ci pouvait ordonner le changement juste avant d’arriver à destination, ou à coups de trois fois 20 minutes par quarts de 4 heures pour une heure, on s’y habitue, et c’est plus facile qu’une heure en entier. Ce fut plusieurs voyages internationaux par an avec ses décalages.
Le changement d’heure pour déterminer le printemps, pourquoi pas, tant qu’à devoir changer l’heure, pourquoi ne pas y donner un sens agréable et pratique, Je suggère également d’associer l’heure d’hiver à l’Halloween. mais est ce qu’on ne s’attirera pas les foudres des Dieux Grecs ? Je crains Louis que tu en a déjà trop dit !
Personnellement, si on m’avait posé la question avant l’âge de 30 ans, j’aurais voté pour un arrêt des changements d’heure, après, 30 ans, je n’y voyais plus d’inconvénient ni de plaisir, et aujourd’hui, j’ai peu d’opinion sur le sujet.
Depuis que je suis retraité “à temps plein”, le changement d’heure n’a plus d’effet sur moi, il me rappel que le temps passe, que je dois changer les piles de mes détecteurs d’incendie et se résume en faisant faire un bon avant ou arrière sur le gros cadran marin qui est toujours accroché dans mon garage.
Touchants ces souvenirs d’enfance vert pomme. Et belle illustration que ces amandiers de Van Gogh.
Belle observation également que de lier dans les esprits l’arrivée du printemps avec le changement d’heure. Il est vrai que le passage à l’heure avancée donne un signal fort à l’effet que le pire de l’hiver est derrière nous. Mais pas toujours comme nous l’avons vu cette semaine avec plus de chute de neige qu’en février.
J’ai toujours été envieux des autres pays occidentaux où le doux temps printanier commence tôt. C’est très apparent quand on voit des reportages à Washington, Londres ou Vancouver où les gens sont vêtus en été même si on est encore en février.
Ma très longue expérience du climat québécois m’a amené à penser que le printemps est invariablement décevant au Québec. Dès le mois de mars et jusqu’à la mi-mai, on est soumis au vent du nord-ouest qui mord la peau et les bourgeons n’éclatent jamais avant. Puis, l’été arrive d’un coup sec à la fête de la Reine. Bref, je ne suis pas sûr qu’il y ait un vrai printemps au Québec.
J’ai déjà lu quelque part que les Amérindiens, qui ne pouvaient compter sur de savants druides, considéraient que dans ce coin de pays il y avait en réalité six saisons. Aux quatre habituelles, ils ajoutaient le pré-hiver (novembre-décembre) et la fin d’hiver (mars-avril). Je ne sais pas quels noms ils donnaient à ces saisons de transition, mais cela aussi était bien observé.
L’heure solaire est pour moi la plus naturelle en harmonie avec mon biorythme. J’aime l’été observer les couchers de soleil et contempler le ciel et sa voûte céleste. L’heure d’hiver pendant l’été me permettrait de voir plutôt ses moments merveilleux qu’offre la nature..
Les couchers de soleil à l’horizon qui s’éternisent sur le fleuve , la lune qui se lève et les étoiles qui s’installent dans le ciel… Il me semble que mon plaisir pourrait durer plus longtemps . Je n’aimerais pas me lever l’hiver à l’heure avancée, je me croirais encore dans la nuit. J’aime la lumière du matin qui me donne l’énergie pour ma journée.
Alors, ma conclusion, demeurons à l’heure normale en respect avec la nature. Merci
Francine C