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Le troisième lien à Québec, un ballon politique inflammable

Le gouvernement du Québec a annoncé le 19 avril dernier sa décision de renoncer à la construction d’un tunnel autoroutier comme troisième lien entre Québec et Lévis. La nouvelle mouture du projet ne se limitera qu’au transport en commun.

Pourtant, voilà déjà plusieurs années, ce projet était proposé comme solution dans le but d’accroître la capacité d’accès à la rive sud de la région de Québec, en diminuant notamment la congestion routière aux abords des ponts de Québec et Pierre-Laporte. Les opposants au projet pour leur part ont toujours soutenu qu’un lien autoroutier ne ferait qu’exacerber des problèmes de congestion suscités par de nouveaux de développement sur la rive sud.

En limitant la fonctionnalité du tunnel au seul transport en commun, on s’éloigne donc des intentions initiales qui étaient d’accroître les capacités de transport. Tout au plus, peut-on espérer que le projet suscitera un transfert modal du transport automobile vers le transport en commun, ce qui ne pourra se faire sous certaines conditions, comme la mise en place d’incitatifs puissants pour l’utilisation du transport en commun. On peut facilement présumer que plusieurs préféreront utiliser leur automobile avec les mêmes conséquences attendues sur la congestion routière, même s’ils pourront se prévaloir d’une nouvelle alternative.

A-t-on oublié d’évaluer la valeur du temps ?

Les enquêtes origine-destination ont démontré (celles de 2017) que l’emplacement du tunnel à l’est de la région ne répondait pas nécessairement aux habitudes de déplacement inter-rive. Une part importante des déplacements sont en provenance de l’ouest, aussi bien de côté de la rive sud que de la rive nord. Les gens seront encore moins incités à utiliser un lien de transport en commun en empruntant un tunnel dans l’est, sachant que la distance à parcourir et le temps de parcours seront sensiblement plus élevés qu’en automobile.

Les études de rentabilité en transport mettent en relation la valeur monétaire des économies de temps engendrées par un projet avec les coûts de ce même projet. Ceci signifie que pour atteindre le point mort, les économies de la valeur du temps des usagers du transport en commun devront être de l’ordre de 6,5 milliards $ si les coûts du projet demeurent les mêmes. En limitant la fonctionnalité du projet au seul transport en commun, on limiterait le potentiel d’utilisateurs ainsi que la rentabilité sociale du projet.

Un scénario encore imprécis

Après plusieurs années, plusieurs élections et plusieurs scénarios, il est un peu surprenant de constater que le gouvernemnet ne connait pas encore les paramètres définitifs du projet :  les coûts réels, le tracé, l’échéancier et la part de financement du fédéral. On se demande si ce projet n’était finalement autre chose qu’un énorme ballon politique inventé pour faire élire un gouvernement.

Après toutes ces années, on constate que les études ne sont pas toutes convaincantes et ne permettent pas de conclure à sa pertinence.  L’une d’elles,  commandée par le maire de Lévis, indique que si le projet comportait un lien autoroutier, il permettrait la décongestion des ponts Pierre-Laporte et de Québec, des économies sur les coûts d’exploitation des véhicules, des économies sur la consommation de carburant, une diminution des taux d’accidents routiers, un meilleur accès aux établissements d’enseignement et un meilleur accès aux établissements de santé entre les deux rives. En limitant encore, l’utilisation du tunnel au transport en commun, tous ces avantages pourraient disparaître.

Des considérations financières plus importantes que la pertinence du projet

On peut alors s’interroger sur les critères utilisés pour décider de limiter le lien au transport en commun. S’agit-il d’une décision strictement financière ? On sait que les gouvernements supérieurs (Québec et Ottawa) assumeront la majeure partie sinon la totalité de la facture, alors que le financement demeure encore incertain.

Côté fédéral, on annonçait lors du budget de 2022 que le gouvernement avait l’intention de devancer au 31 mars 2025 la date limite à laquelle les provinces pourront conclure des ententes dans le cadre du programme d’infrastructure Investir dans le Canada, un programme doté d’une enveloppe de quelque 33,5 milliards $ et qui vise essentiellement le financement du transport en commun. On indique que le gouvernement du Canada a travaillé en étroite collaboration avec les provinces pour accélérer l’affectation de tous les fonds restants aux projets prioritaires. Mais, Québec pourrait se disqualifier du financement s’il n’accélère pas la réalisation du projet.

En ce qui concerne la portion autoroutière, la croissance importante des taux d’intérêt en raison de la conjoncture actuelle pourrait remettre en question le financement du projet au PQI québécois, d’autant que le fédéral ne semble pas très chaud à l’idée de financer des liens autoroutiers.

On peut comprendre que dans un tel contexte les études de besoins et de rentabilité aient été jetées aux oubliettes.

Louis Bellemare

Published inÉconomie québécoisefrançaisGénéralMunicipal

3 Comments

  1. Jean-Claude Cloutier Jean-Claude Cloutier

    À mon avis, l’abandon d’un 3e lien autoroutier entre les 2 rives n’a de sens que si l’on est convaincu que le transport routier des personnes et des marchandises est voué à diminuer dans l’avenir. C’est loin d’être sûr compte tenu des avantages qu’apport ce mode de transport et, en ce qui concerne plus spécifiquement Québec et sa rive-sud, que la population pourrait croitre de façon importante dans l’avenir sous l’effet, entre autres des changements climatiques et des migrations qui en résulteront. Après tout, un pont ou un tunnel de cette envergure ne peut être mis en service qu’une dizaine d’années après la décision d’aller de l’avant et une fois construit il est là pour 100 ans. Il me semble que ce qui a fait défaut dans la discussion de ce projet sur la place publique est la vision que l’on a de la démographie et de l’économie de la région pour le prochain siècle.
    Par ailleurs, j’aurais aimé aussi que l’on prenne en considération qu’un 3e lien éventuel aurait un grand intérêt pour la continuité et la fiablitlié des liens interrives compte tenu du délabrement des deux premiers liens.

  2. Patrice Patrice

    Je suis d’accord avec la position du gouvernement – pas nécessairement de la manière qu’il s’y ait prit – l’idée d’une telle dépense pour un tel projet était démesuré, surtout lorsqu’on a beaucoup d’argent a mettre dans nos infra publique, écoles, hopitals, routes et autres. Je crois plutôt que le parc automobile est en voie de diminution et le transport en commun se verra octroyer beaucoup plus d’attention et de deniers publique. L’étalement urbain devrait premièrement être dessiné vers autres points cardinaux que le sud, l’expansion de la ville pourrait se faire avec plus de tramway. Pour ma part, le tunnel était une idée frivole dans un pays qui n’en a pas les moyens.

  3. Jean Hémond Jean Hémond

    Pour nos politiciens, inventer des solutions rêvées, sans tout d’abord bien connaître et définir le problème, les mène à enfourcher des licornes roses comme chevaux de bataille . À cela s’ajoute la disponibilité limitée des ressources techniques et financières pour atteindre un objectif défini. Devinez l’ amplitude du vide abyssal pour ce projet de 3ᵉ lien.

    C’est aussi ; ces diversions politiques, pour des pseudos projets très farfelus, pour garder l’omerta la plus obscure quant à l’état physique du pont de Québec et retarder de très mauvaises nouvelles. Pour moi, après plus de 10 d’investigation technique, photographique et historique, la structure portante de ce pont est assurément rendue en phase soins palliatifs ; une répétition du scénario de communication à la Dagobert pour la démolition du pont Champlain. Voir cet album. https://flic.kr/s/aHsk97jie4
    Sur le pont Pierre-Laporte, les câbles porteurs non remplaçables furent inspectés il y a trois ans et on en cache toujours les conclusions. Telles ses suspentes qui toutes sont à remplacer, en toute probabilité ces longs câbles principaux sont corrodés, au point d’y affecter significativement les charges utiles et surtout la pérennité ( à l’exemple du pont routier de la rivière Forth son contemporain).

    Remarquez, malgré beaucoup de verve de la part des portes paroles du CN et des politiciens , qu’absolument aucun rapport signé (Transport-Canada les a pourtant tous en main) par un ingénieur responsable de la structure portante ( le MTQ a lui publié une inspection de son tablier qui est à remplacer ) du pont de Québec ne fut publié depuis 1995 pour en faire un état détaillé du respect des normes ( lesquelles ? ) s’appliquant à un pont multimodal d’il y a cent ans alors qu’il est fissuré et flambe de façon importante en déversement élastique. Cela alors que le CN y aurait accru les poids de ses convois de 40 % pour rentabiliser en augmentant la cadence les opérations de transport de minerai du port de Québec . Sa pérennité parait encore plus douteuse, alors que les couts d’entretien y explosent, régulièrement tels des feux d’artifices ! Un scandale de grande négligence ou une troisième catastrophe qui devient fort possible au regard des nouveaux risques maintenant fort bien connus ; verglas, incendies de wagons, collisions de navires, secousses telluriques et tornades.

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