Les hommes et les femmes sont par leur essence même des êtres mortels. Tôt ou tard, ils sont destinés à mourir.
Même dans un monde sans maladie et sans vieillissement, il y aura toujours des accidents, des désastres naturels et même des guerres. Nous ne sommes pas épargnés, ni d’un réchauffement accéléré de la planète, ni à l’abri d’une frappe de météorite ou même d’une catastrophe nucléaire. Les probabilités que de telles fatalités se produisent pendant la vie durant d’un homme ou d’une femme augmentent avec l’espérance de vie. On peut donc en conclure que si la vie était éternelle, les chances que ces évènements se produisent sont de 100%. Nous sommes donc tous destinés à mourir.
Par ailleurs, la planète et l’univers ne sont pas non plus immortels. Même si nous sommes exempts de toute maladie ou de tout désastre, notre planète, et bien sûr aussi notre galaxie, pourraient aussi disparaître bouffées par un trou noir. Il n’y a donc aucune porte de sortie pour notre destinée, bien que nous en ayons encore pour plusieurs années de bonheur devant nous.
Ces technologies qui sauveront le monde
Partant de là, il apparaît plutôt bizarre que certains articles parus dernièrement rapportent le début de la vie éternelle dans un avenir très rapproché. L’un de ces articles [1] résume les propos du directeur en ingénierie Google, Ray Kurzweil, quelqu’un qui est non moins le moindre, mais réputé pour ses déclarations fracassantes. Il affirme que dans un prochain avenir, les nanotechnologies permettront de placer des dispositifs à l’intérieur du corps humains et que ceux-ci pourraient rendre l’homme immortel autour de l’année 2029.
Ce serait donc pour bientôt, bien avant la fin des temps. Selon lui, nous nous rapprocherions donc de cette singularité pour laquelle nous avons tous été créés. En fait, il ne s’agirait peut-être pas de la vie éternelle mais d’un monde meilleur, un monde où nous vivrons de plus en plus vieux. Serait-il vraiment meilleur ? Il s’agit là d’une autre question.
Il faut reconnaître que la science a fait des avancées significatives en matière de recherche biologique depuis le clone de Dolly. Outre les nanotechnologies, rappelons le prix Nobel de médecine décerné en 2012 (il y a déjà 10 ans) au biologiste britannique John Gurdon et au médecin japonais Shinya Yamanaka pour leurs recherches sur la reprogrammation nucléaire. Cette technique permet de réaliser ce qui semblait impossible auparavant : transformer des cellules adultes en cellules souches capables de créer tous types de tissus du corps humain. Une découverte qui a suscité beaucoup d’espoir pour guérir des maladies qui semblaient jusqu’à présent incurables et par incidence de retarder le vieillissement.
D’autres découvertes importantes ont été réalisées, notamment en ce qui a trait à la prévention. Par exemple, certains aliments permettraient d’activer des protéines jouant un rôle clé dans la régulation du métabolisme et le vieillissement. Autre exemple : la médecine anti-âge, une nouvelle approche médicale qui vise à prévenir, retarder, et même inverser le vieillissement, notamment par des traitements hormonaux, des anti oxidants et certaines thérapies génétiques.
Certains médicaments permettraient la destruction des cellules sénescentes, responsables du vieillissement.
La recherche sur le vieillissement : un impact majeur sur notre société
Que la vie devienne éternelle ou non, on sent toutefois que nous nous rapprochons d’une révolution extraordinaire et que le vieillissement continuera encore d’avoir des répercussions importantes sur notre société. Pourrions-nous vivre jusqu’à 125 ou même 150 ans ?
Plusieurs milliardaires s’intéressent à la recherche sur le vieillissement. L’un des cas des plus célèbres est de celui de Jeff Bezos. L’homme le plus riche du monde et fondateur d’Amazon est l’un des principaux actionnaires de la Jeune pousse californienne Altos Labs dont la mission est de trouver véritablement la fontaine de jouvence. Altos Labs disposerait d’un budget de quelque 3 milliards $ et compterait aussi parmi ses investisseurs, le milliardaire russe Yuri Milner. Le projet est sérieux. Altos Labs a d’ailleurs recruté nul autre que le prix Nobel Shinya Yamanaka comme chercheur.
Dans un article paru en 2017 intitulé The Cost of Aging, [2] le Fonds Monétaire International (FMI) explique que le vieillissement a pour effet de ralentir le PIB et d’imposer des coûts supplémentaires à la population active par les soins et traitements à prodiguer aux personnes âgées. Selon le FMI, le ralentissement du taux de croissance des pays industrialisées s’expliquerait pour une bonne part par le déclin du ‘baby boom’ qui impacte l’âge la population. Nous le sentons déjà par les coûts et contraintes imposés aux systèmes de santé. On peut facilement présumer que ces coûts iront en augmentant.
Comment alors concilier les progrès fulgurants de la science dans le domaine de la biologie et de la médecine avec les répercussions sociales du vieillissement social sur notre société et les budgets de nos gouvernements ? Le FMI souligne que des gains de productivité, l’augmentation des salaires de la population active et une baisse des taux d’intérêts dans le long terme sont possibles. L’accroissement de la productivité permettrait d’augmenter le financement des services à la population vieillissante. Avec l’évolution rapide de la connaissance et des avancées en matière de vieillissement les économies avancées a-t-on vraiment d’autres choix ? Dans un avenir prévisible pourrions-nous avoir des fermes et des manufactures entièrement autonomes, sans aucune intervention humaine ?
Les programmes et actions des gouvernements pour accroître la productivité des travailleurs deviendront alors plus nécessaires que jamais, du moins tant et aussi longtemps que la vie ne sera pas éternelle.
Louis Bellemare
[1]Nanotechnologie : la vie éternelle pour 2029 ? http://www.diazmag.com/ Nanotechnologie : la vie éternelle pour 2029 ? | DiazMag
[2] The cost of aging, Cost of Aging — Finance & Development, March 2017 (imf.org)
Très intéressant…
Il me semble que lorsque nous serons éternels, la productivité des travailleurs devra être encore majorée à mois de n’avoir besoin de rien pour vivre.
Très juste, toute la production se fera de façon autonome, par des robots, sans intervention humaine.
Belle réflexion qui ouvre sur des questions philosophique.s.
Pour ma part, j’ai l’impression que si on découvrait un jour le secret de l’immortalité, on se rendrait vite compte du peu d’intérêt de cette découverte. Il suffit d’avoir atteint un certain âge comme c’est mon cas pour se rendre compte que de révivre sans cesser le jour de la marmotte tant au plan individuel que de la société devient très monotone.
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