Imaginer ce que pourrait être une ville du futur n’est pas un fantasme. Il s’agit d’une nécessité, parce que le modèle actuel de nos grandes villes ne garantit plus la même qualité de vie. Il y a donc cette nécessité de réinventer la ville pour qu’elle réponde mieux à des aspirations plus humaines et pour qu’elle apporte un meilleur bien-être collectif.
Selon l’ONU, d’ici 2050, 68 % de personnes dans le monde vivront en milieu urbain contre 55 % actuellement. À cette date, la population dans les villes aura augmenté de 59 % et avoisinera 6,7 milliards de personnes, contre 4,2 milliards aujourd’hui. Il y en avait 751 millions en 1950. [1] Ainsi donc, le monde s’urbanise plus rapidement que la croissance de la population mondiale.
Or, la croissance de la population et sa migration vers les villes se confrontent à de nombreux problèmes. Les changements climatiques, la demande de logement, le manque d’espace aménagé, la rareté des terrains, la forte demande en énergie, les besoins de mobilité des personnes, le transport des marchandises, les besoins d’approvisionnement de nourriture, l’aménagement du paysage, l’offre de services de santé, de services éducatifs et de loisirs sont autant de dimensions qui répondent à une courbe de rendement social.
Pour comprendre cette courbe, mentionnons qu’elle prévoit que les bénéfices de la ville s’atténueront après un certain seuil de croissance de sa population, de par les coûts sociaux engendrés par de nombreux problèmes, par l’insuffisance d’investissements en services et en présence d’externalités négatives, comme par exemple la pollution, le trafic routier.
Comment alors résoudre tous ces problèmes qui ne pourront se résorber par eux-mêmes. ?
Deux modèles qui s’opposent
C’est justement pour répondre à cette question qu’on pourrait imaginer une ville du futur. L’exercice n’est pas en fait de faire une prévision puisque cela est impossible, mais d’imaginer un modèle optimal qui respecterait certains critères, une sorte de modèle de référence. Des solutions se trouvent peut-être dans une modification des concepts d’urbanisme qui opposerait le modèle évolutif ou adaptatif des conditions de vie des villes existantes, à un modèle planifié prévoyant la construction de villes totalement nouvelles selon un concept qui tient en considération chacune des dimensions décrites précédemment.
Bien sûr, nos grandes villes ne disparaîtront pas pour autant en raison de leur incapacité de s’adapter. Mais, elles ne représentent pas un monde idéal parce qu’elles ont été construites en fonction de certaines technologies d’époque comme par exemple l’utilisation individuelle de l’automobile à essence, la construction d’immenses artères routières et d’échangeurs conçus pour les banlieues, ou bien la multiplication de maisons rendues trop spacieuses qui, dans nombre de cas, sont devenues inadaptées à la réalité des familles du 21ième siècle. Les économistes diraient que nos villes sont prisonnières d’une trappe technologique.
Ainsi, l’apparition de nouvelles technologies en transport, en technologies de l’information et de communication et le développement de nouvelles sources d’énergie propres nous dirigent vers de nouveaux paradigmes permettant de concevoir des villes à une échelle plus humaine et qui pourraient apporter de meilleurs bénéfices à la population.
Quelles sont les critères ?
Plusieurs projets de ville du futur sont en cours à travers le monde. Beaucoup plus qu’une simple curiosité intellectuelle, ces projets sont parfois d’une viabilité démontrée et font souvent office d’expérimentation ou de laboratoire de recherche. À partir de ces expériences, on pourrait déterminer certains critères pour la conception d’une ville du futur :
1-Une ville sans voiture ou qui limite grandement la circulation des automobiles
La ville du futur devrait être sans voiture ou bien limiter grandement la circulation des automobiles. Il en existe maintenant plusieurs dans le monde dont notamment Amsterdam, Barcelone, Bermingham, Bruxelles, Gans, Helsinski, Oslo [2]
Mais, l’un des modèles les plus étudiés et des plus intéressants est celui de Pontevedra [3], une ville espagnole de 83 000 habitants largement citée comme référence. Pontevedra a reçu de nombreux prix internationaux pour sa qualité de vie, son accessibilité et sa politique de mobilité urbaine.
Dans cette ville, il n’y a plus de voiture depuis 15 ans. Le bruit a sensiblement diminué et la pollution a diminué de plus de 65%.Presque toutes les villes qui ont décidé de limiter l’utilisation de l’automobile, dont Paris, ont réalisé une diminution substantielle de la pollution.
Dans une ville sans automobile les services de transport peuvent être assurés par le transport en commun électrique efficace ou par un réseau de navettes au service de la communauté.
Par ailleurs, il serait faux de prétendre que la limitation de l’usage de l’automobile aurait un impact sur la richesse ou le développement économique.
2-Une ville densifiée qui permet le développement de services mis en commun
L’intérêt de la ville sans voiture ne se résume pas à l’élimination de la pollution, mais porte beaucoup sur les économies d’espace. Il s’agit de la ressource probablement la plus précieuse d’une ville, tout aussi stratégique que l’énergie, la nourriture ou les services de transport. À Pontevedra, l’espace a été transformé pour permettre le déplacement de piétons et des vélos. Mais, dans plusieurs villes, le réaménagement des grandes infrastructures routières pourrait exiger de repenser complètement le développement d’un territoire.
Or, le remplacement des véhicules thermiques par des véhicules plus écologiques ne permettrait pas d’économies d’espace sans une réduction substantielle de la dimension des véhicules. On y perdrait ainsi le bénéfice d’un des aspects les plus intéressants d’une ville sans voiture.
Par ailleurs, la diminution des superficies des unités habitables permettrait de maintenir une bonne qualité de vie et de répondre à une demande croissante en habitation à la condition toutefois de compenser par le développement de services communautaires pour la population : que ce soit des lieux de plein air, de loisirs, de parcs, de restaurants, d’aires de repos ou de villégiatures, d’écoles en plein air, de serres de culture et de salles de réunions
Plusieurs de ces aires extérieures pourraient être recouvertes de dômes dans le but d’un contrôle optimal de la température et la production de nourriture. L’installation de dômes géodésiques sur différents emplacements ou lieux communs permettrait de générer artificiellement un effet de serre et de réaliser des économies d’énergie
3-Une ville branchée
Bien sûr, cette ville serait branchée afin de permettre le télétravail, mais beaucoup plus.
L’un des concepts intéressants est celui de la Woven City, une ville du futur imaginée par le constructeur automobile Toyota.
Cette ville intelligente construite au pied du mont Fuji au Japon prévoit la circulation de voitures entièrement autonomes, des robots présents à chaque coin de rue, un système de gestion de la voirie par intelligence artificielle. L’objectif est de ‘développer une meilleure société en accélérant le cycle de la technologie et le développement des services’.[4]
L’efficacité du télétravail a été démontrée lors de la dernière pandémie ainsi que son impact sur l’utilisation du transport. Il permet d’éviter la congestion routière engendrée par le trafic pendulaire. Dans une ville branchée, les déplacements pour le travail seraient donc réduits. Les déplacements se limiteraient la plupart du temps aux loisirs, au sport, aux visites et à des réunions ponctuelles.
Les déplacements seraient assurés par le transport en commun ou par des véhicules autonomes électriques de dimension réduite. La production des biens matériels serait effectuée dans des zones spécifiquement aménagées à l’extérieur de la ville et assurée par des systèmes robotiques avancés.
4-Une ville avec une meilleure ergonomie
La plupart des villes se sont développées autour des grands axes de transport comme les voies ferrées, les autoroutes et les ports de mer. L’organisation du territoire a été adaptée en fonction de l’interconnectivité des villes à ces grandes infrastructures de transport, mais aussi à la morphologie du paysage composé de cours d’eau, de montages, de plaines, de vallées, etc.
C’est ce qui explique la complexité des réseaux de transport, leurs coûts de construction et d’entretien élevés. Est-ce nécessaire de construire d’immenses ponts ou des tunnels, des viaducs et de nombreuses intersections à portée d’un immense territoire, avec comme résultat, l’effet d’entraînement sur l’éparpillement urbain et l’expansion continuelle d’une ville. Pourquoi construire de telles infrastructures si de toutes façons, il n’y aurait pas d’automobile, ou sinon, de dimension réduite ?
L’ergonomie idéale d’une ville serait d’organiser l’habitat en cercles concentriques autour d’un espace central offrant différents services à la population. Le transport en commun pourrait être assuré par un de métro circulaire électrique longeant les différents habitats sans intersection, ni commutation, ce qui ferait gagner en efficacité et en temps.
La production de nourriture pourrait être effectuée dans des serres construites à l’intérieur ou aux abords de la ville. Le transport de la nourriture et des marchandises seraient assurés par un réseau de transport parallèle spécialement dédié au transport des marchandises.
5-Une ville alimentée par des énergies renouvelables
La ville serait alimentée par des sources d’énergie entièrement renouvelables, soit par des éoliennes ou d’immenses panneaux solaires.
Conclusion
Peut-être que les gouvernements pourraient commencer à réfléchir dès maintenant à ce que pourrait être une ville du futur.
Louis Bellemare
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