Septembre 2025
L’astronaute canadien, Jeremy Hansen, contemplait le lever de Terre à travers le hublot du vaisseau Orion. On y voyait apparaître graduellement la lumière bleue scintillante de la Terre contrastant le noir absolu de l’espace. L’image était fidèle à la photo prise depuis Apollo 8, il y a déjà 57 ans, en décembre 1968. 1
Il fit signe à ses coéquipiers, Christina Hammock Koch, Victor Glover et Reid Wiseman de regarder par la fenêtre. Ils étaient privilégiés de voir ce spectacle que très peu de personnes ont la chance d’admirer. Hansen et ses trois coéquipiers avaient été choisis par la NASA pour la deuxième mission du programme Artemis. 2
Artemis
C’est le nom donné au projet d’exploration spatial le plus ambitieux de tous les temps. Le projet, dirigé par la NASA, est une coopération internationale impliquant l’Agence spatiale européenne (ESA), l’Agence spatiale canadienne (ASC) et l’Agence japonaise d’exploration aérospatiale et plusieurs partenaires commerciaux. Plusieurs missions sont prévues menant à l’établissement d’une base permanente sur la Lune.
Ainsi, une première mission a été réalisée sans équipage en 2022 et a servi à démontrer l’efficacité du lanceur SLS de Boeing et à faire voyager le vaisseau spatial Orion autour de la Lune. Une deuxième mission, celle où participera Hansen, témoignera d’un premier vol habité d’Orion. Son lancement est prévu pour septembre 2025. La troisième mission d’Artemis, planifiée pour septembre 2026, enverra un équipage de quatre astronautes sur le sol lunaire. 3
Parallèlement à ces trois premières missions, la NASA entend installer une station spatiale qui orbitera en permanence à proximité de notre satellite naturel. Gateway sera assemblée par modules et permettra à terme de faire des expériences et des allers-retours des membres d’équipage de la station jusqu’à la surface lunaire. 4
Avec Artemis, la NASA cherche à développer un modèle de plus long terme, une sorte de modus operandi pour envoyer des êtres humains encore plus loin dans l’espace, notamment sur la planète Mars. Artemis constitue en quelque sorte le jalon de cette vision. 5
Une image de la Terre de 93 milliards de dollars
En 2025, lorsque Jeremy Hansen observera ce lever de la Terre, il réalisera que le privilège de cette contemplation a un coût énorme, voir des milliards de dollars.
Comme pilote et scientifique, il ne pourrait qu’être enthousiaste à l’idée de contribuer à faire progresser la science, et surtout l’humanité, nos conditions de vie et notre bien-être. Pour lui, comme pour plusieurs autres scientifiques, l’exploration spatiale est un passage obligé au progrès, et ce progrès a un coût.
Les dépenses de la NASA pour le projet Artemis devraient atteindre quelque 93 milliards de dollars américains d’ici 2025, selon le bureau de l’inspection générale de la NASA (OIG). Mais, ce montant est conservateur si nous tenons compte des missions subséquentes et les missions sur Mars. 6
En comparaison, entre 1960 et 1973, les États-Unis ont dépensé 28 milliards de dollars américains pour le programme Apollo, l’équivalent d’environ 280 milliards en dollars d’aujourd’hui. On peut facilement supposer qu’Artemis avec ses missions subséquentes coûtera tout aussi cher et, probablement, bien plus. 7
Mais, pour le commun des mortels, les missions Apollo n’ont laissé comme vestige après plus de 50 ans que quelques photos : des hommes en habit de cosmonaute marchant sur la poussière lunaire, ou bien une photo d’un lever de la planète Terre. Pour d’autres personnes plus aguerries, les missions sur la Lune ont permis des avancées technologiques majeures. 8 Peut-on toutefois présumer que ces mêmes avancées auraient pu se réaliser sans envoyer personne dans l’espace. Possiblement que oui.
Le coût de ne rien faire
Existerait-il un coût de ne rien faire si l’on décidait de ne pas donner suite au programme Artemis ? Quels sont les bénéfices réels du programme ? Par exemple, il existe ainsi un tel coût si l’on décide de ne rien faire pour l’entretien des infrastructures ou lorsque nous n’agissons pas pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. En 2006, le célèbre rapport de l’économiste Nicolas Stern estimait que si rien n’est fait pour assurer la transition énergétique, le coût de l’inaction s’établirait entre 5 % et 20% du PIB mondial, c’est-à-dire des milliers de milliards $ de dollars. 9Qu’en est-il des programmes d’exploration de l’espace ?
Imaginons ce que nous pourrions faire avec 280 milliards de dollars si nous décidions de les dépenser autrement que dans l’espace. Cette somme pourrait être utilisée pour sauver la planète, pour résoudre des problèmes et des difficultés présentes sur Terre, comme la pauvreté extrême qui sévit dans certains pays, les épidémies, le chômage, les maladies, les changements climatiques qui commandent une certaine priorité et des actions immédiates.
Pourrait-on croire que la décision prise d’aller de l’avant avec le projet Artemis ait été basée sur des bénéfices supérieurs à tous ces problèmes. On peut en douter.
La véritable motivation des gouvernements ?
À mon avis, aucun calcul économique ne peut justifier des dépenses aussi astronomiques que celles que nous constatons pour les programmes d’exploration de l’espace.
Les décisions sont plutôt d’ordre politique. Le programme Apollo avait été développé à l’époque de la guerre froide où une véritable concurrence s’était installée entre les États-Unis et l’ex-Union-Soviétique. À cette époque, la conquête de l’espace avait pour objet de démontrer la supériorité technologique et aussi militaire d’un système politique par rapport à un autre. Il s’agissait d’une véritable démonstration de bras de fer, sans qu’on y recherche nécessairement des retombées sur le plan économique, technologique ou social.
Depuis quelques années, le nombre de pays qui ont développé leur propre programme spatial s’est multiplié. On y compte notamment la Chine, 10devenue une nouvelle puissance économique, mais toujours dirigée par un parti communiste, et qui s’intéresse beaucoup à l’exploration de l’espace.
Ainsi, les États-Unis auraient lancé Artemis, motivés par la concurrence des autres pays, dans une course à l’exploration spatiale et dans le contexte du développement potentiel d’une nouvelle guerre froide.
Quant à Hansen et ses coéquipiers, ils auront la satisfaction d’avoir vue la Terre apparaître au sortir de la face cachée de la Lune. Nous leur devons l’admiration et le respect en raison des risques de leur mission, mais surtout pour leur volonté de faire progresser la science.
Après tout, il est peut-être vrai que ce sont eux qui sauveront l’humanité en permettant la colonisation de la planète Mars. Bonne chance !
Louis Bellemare
- L’astronaute de l’ASC, Jeremy Hansen, inspiré par la photo “Lever de Terre”, Gouvernement du Canada ↩︎
- Jeremy Hansen et ses coéquipiers d’Artemis II à la Maison-Blanche, Gouvernement du Canada ↩︎
- Le programme Artemis, le retour des êtres humains sur la lune, Gouvernement du Canada ↩︎
- Lunar Gateway: tout savoir sur le projet de station spatiale, I Gentside ↩︎
- La NASA détaille les futures étapes d’exploration spatiale vers la Lune et Mars, Futura ↩︎
- Artemis, le programme de la NASA pour ramener l’homme sur la Lune, National Geographic ↩︎
- Combien a coûté le voyage sur la Lune, Journal Libre Eco ↩︎
- Ces avancées technologiques majeures que nous devons aux missions sur la Lune, Sciences Avenir ↩︎
- The Economics of Climate Change: The Stern Review, The London School of Economics and Political Science, Grantham Research Institute ↩︎
- La politique spatiale de la Chine, Alex Wang, Conflits, revue de géopolitique ↩︎
Tout à fait d’accord. La lune et les planètes du système solaire ne présentent aucun intérêt pour l’activité humaine, sauf la recherche sur la formation de ces planètes. D’ici à ce qu’on ait trouvé le moyens d’aller dans un temps raisonnable explorer d’autres coins de la galaxie, je crois qu’il faut laisser à Elon Musk et à d’autres milliardaires le soin de dépenser des sommes astronautiques pour ce genre de projets de prestige.
Tout est une course dans ce bas monde, de notre propre petite vie jusqu’aux plus grands États. Il faut toujours aller plus vite, mieux performer faire plus, ces dépenses sont donc indirectement justifiés par le style de vie terrien tel qu’on nous l’a inculqué.
Mais si on veut sauver le monde, le contrôle des naissance au niveau mondial, le rejet de toutes religion ainsi que l’entente entre politicien/leader pourrait aider à sauver l’humanité, mais ca ne se fera pas. Donc aller voir ailleurs pour s’y établir est surement une solution à très très long terme.